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Quelque part…

Une petite île volcanique dans le Pacifique, entourée d’une barrière de corail. Des plages de sable blanc habitées seulement par des oiseaux marins et des crabes rouges. Une jungle touffue. Pas de rivière, pas de source, pas d’eau potable. Un endroit inhabitable et inhabité.

Il faisait jour sous cette latitude.

Il fallait se faufiler à travers des quinconces aménagés à travers le récif pour atteindre la côte volcanique et, là, se glisser dans une ouverture tout juste assez large pour livrer passage à un plongeur qui s’y risquerait. Cela dans une lumière bleutée qui faisait penser à celle régnant dans la grotte d’Azur, à Capri.

Pourtant, tout en avançant, il fallait annihiler une série de barrages, sous peine d’être irrémédiablement foudroyé… Des barrages électroniques pour la plupart, alimentés par l’énergie solaire et l’énergie marémotrice… Ces obstacles vaincus, on débouchait dans une caverne assez vaste mais basse de voûte. Là, on assistait à un étrange phénomène.

Deux grands globes de plastique transparent, en forme de sarcophage, chacun installé sur un socle de corail taillé, occupaient tout le centre de la grotte. Dans l’un d’eux reposait une copie exacte de Monsieur Ming, vêtu de son classique habit de clergyman. Immobile, l’Ombre Jaune paraissait plongé dans un profond sommeil et ses lourdes paupières, baissées, dissimulaient ses yeux aux prunelles couleur d’ambre clair et aux regards hypnotiques.

Le second globe-sarcophage était absolument semblable au premier. Avec cette différence qu’il était vide.

C’est à ce moment précis, à des milliers de kilomètres de là, en plein désert de l’Ouest des États-Unis, que l’Ombre Jaune s’écroulait, frappé à mort par une balle tirée par Miss Ylang-Ylang. Presque en même temps, dans la grotte, sous la petite île volcanique, en plein océan Pacifique, une génératrice se déclenchait, mue par l’énergie nucléaire.

Durant de longues secondes, rien ne se passa, puis de petits rayons lumineux fusèrent, par de minuscules tubulures, à la base du premier sarcophage renfermant la copie de l’Ombre Jaune. Des rayons lumineux qui furent comme absorbés par des tubulures semblables, au socle du second sarcophage, vide celui-là.

En même temps, le bruit de la génératrice, venant des profondeurs du récif de corail, se faisait entendre de plus en plus violent. Une lumière verte, intense, baigna l’intérieur du premier globe, se communiqua au second où elle se changea en une brume glauque, opaque, qui emplit l’intérieur de l’appareil.

Quelques nouvelles secondes. Puis, la brume, dans le deuxième sarcophage, parut se condenser, se solidifier… Et ce qu’on pourrait appeler un prodige eut lieu. Un prodige qui n’était que la concrétisation d’une science d’avant-garde.

Avec une vitesse accrue, des formes se dessinèrent à travers la nébulosité qui devenait de plus en plus transparente, se solidifiait à chaque seconde davantage.

Les formes se précisèrent. D’abord, la silhouette à claire-voie d’un squelette humain qui fut bientôt recouvert par l’opacité des chairs, puis de la peau, des vêtements… Un masque se dessinait, de plus en plus précis…

Un bref instant, la caverne sous-marine fut plongée dans une obscurité totale. Puis, soudain, la lumière se fit à nouveau.

Un témoin aurait pu contempler l’homme étendu maintenant dans le second sarcophage. Tout en lui ressemblait au corps toujours couché sous la première coupole de plexiglas. Les traits du visage, le corps, les vêtements de clergyman, la main droite postiche, tout y était identique.

Monsieur Ming nouvellement créé d’après le modèle-relais demeurait immobile. Ses yeux restaient clos, mais sa poitrine se soulevait suivant un rythme régulier qui était celui de la vie. Ensuite, ses mains s’ouvrirent et se refermèrent, telles des serres, comme si elles voulaient agripper et déchirer. Ses paupières se soulevèrent, à la façon de volets doucement relevés. Ses yeux jaunes balayèrent de droite à gauche. Enfin, il tourna la tête pour promener ses regards à travers la caverne.

Finalement, l’homme qui venait d’être créé posa la main sur une commande, à hauteur de sa hanche droite, et le globe transparent se souleva lentement, en pivotant, à la façon d’un couvercle.

Ming se dressa sur son séant, glissa les jambes hors du sarcophage, se mit debout d’un coup de rein, vacilla durant un bref instant, puis se raidit. Ses yeux couleur d’ambre avaient repris leur fixité. Il était redevenu l’Ombre Jaune, dans toute sa puissance. Et, pour bien se le prouver, il éclata… Non, ce n’était pas un rire… mais un rugissement de défi…

 

Les Nuits de l'Ombre Jaune
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